Babel et la mesquinerie



Lundi 18 décembre 2006


Samedi soir, 18H15, cinéma UGC Orient Express, le petit écran bleu situé au dessus de la caisse unique indique qu’il ne reste que six places pour le film que nous convoitons.
Dans l’urgence, j’informe mon accompagnateur du risque évident de la séparation. A quoi bon se rendre au Cinéma avec un garçon choisit, si c’est pour se retrouver coincé entre un post ado élevé au pop corn et un sexagénaire opulent qui squatte irrémédiablement les accoudoirs.
Finalement nous tentons le coup. En pénétrant dans la minuscule salle sombre, nous balayons du regard le court horizon qui s’offre à nous, tels des chats errants à la recherche d’un territoire.
Soudain l’avenir s’éclaircit. Un rang présente deux places que tout oppose mais que nous espérons rapidement réunir. Je sollicite alors la bienveillance de mes congénères afin de combler l’espace vide et dégager une paire de fauteuil.
La ligne s’exécute sans un mot et je suis presque gêné par cette obéissance enfantine et passive.
Deux personnes arrivent, le rang qui nous précède présente la même configuration que la notre; deux places isolées, nécessité de faire migrer les populations.
Mais la rangée est rebelle, agacée, ces messieurs dames disent être déjà bien installés et ne pas pouvoir supporter un déplacement latéral d’à peine quarante centimètres.
Le couple capitule, un autre se présente. Et rebelote, même refus, même égoïsme. Le rang ne bougera pas. Ils ne bougeront pas. Le second couple bat aussi en retraite préférant une sortie honorable face à l’ineptie.
Quelle petitesse d’esprit. Pourquoi pousser le sens de la propriété fusse t-elle éphémère, jusqu'à ne pas vouloir abandonner un fauteuil qui semble déjà en leur possession au bout de dix minutes.
Le film débute, superbe, le Maroc, le Japon, la souffrance se mêle à l’ouverture vers la compassion. Photographie remarquable accompagnée d’une musique sublime.
Sur ma gauche un vieux monsieur semble pris d’un toc qui lui fait remuer un bout de papier plastique de manière intempestive. Les scènes bruyantes de Babel ne sont que des occasions pour assouvir son action, les silences, des frustrations qui étouffe sa souffrance.
Devant, sur le coté, je me sens brutalement muselé par la stupidité et la pathologie de mes voisins.
Emmaillotés dans vos certitudes qui rapportent tout à vous, j’ose espérer que Babel vous a un peu bousculé dans votre incapacité à faire exploser les cadres de vos petites habitudes mentales.

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